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"Naufrage à Gustavia " 1er tome

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le 1er février 07

Actualités, jeudi 10 février 2005, première page

Sauvé des eaux

Émilien II fait naufrage entre les Bermudes et Saint Martin

Le Shawiniganais Mario Allaire a vécu l'enfer d'une mer déchaînée entre les Bermudes et les Antilles. Martin Francoeur, Shawinigan -

"La mort, j'y penserai quelques minutes avant de mourir. Jamais je n'ai eu le réflexe de m'arrêter et de penser à la mort alors que j'étais dans le bateau. Je me suis par contre demandé comment ça se faisait que je ne pensais pas à ça."
C'est un paquebot transportant du charbon qui les a sauvés des eaux tumultueuses d'une mer déchaînée, après neuf heures passées à bord d'un Zodiac flottant au gré des vagues.
C'est tout ce qu'ils avaient réussi à récupérer des débris du voilier Émilien II, une embarcation de 43 pieds qui devait transporter le couple formé de Claude Allard et de Suzanne Quinn des Bermudes jusqu'à St. Martin, dans les Antilles. Mario Allaire et Ernest Gallien avaient été embauchés comme membres d'équipage pour convoyer l'embarcation. Mario Allaire, un retraité de l'enseignement, s'adonne à la voile depuis deux ans. Il voulait naviguer cet hiver, trouver une activité qui lui permettrait de garder le contact avec l'eau. Le 13 janvier dernier, il trouvait cette petite annonce d'un couple de Montréal qui cherchait quelqu'un pour faire le trajet Bermudes-St. Martin avec eux et assurer le bon déroulement du voyage. ( note de Louis Charbonneau : Ernest Gallien est un navigateur aguerri, il navigue depuis plus de 30 ans, il a navigué de par les Grands Lacs, fait quelques traversées de l'Atlantique, dont une en solitaire sur un Tanzer 26 qui le conduisit en Ireland ).

Pour lire l'histoire du naufrage D'Émilien 11

Naufrage en Atlantique

Voir le naufrage d'Émilien 11

 


Initialement, le couple et les deux membres d'équipage fraîchement recrutés devaient quitter les Bermudes le 22 janvier, mais en raison du mauvais temps, le départ a été retardé. Le voilier artisanal de 43 pieds fait de bois et recouvert de fibre de verre a finalement pris la mer le 1er février.
"Nous avons quitté la baie de St. George et vers 16 heures, il s'est mis à venter. Un vent arrière très fort soufflait et nous, on était déjà assez loin des côtes. Le bateau était très dur à barrer. À 21 heures, on a attaché la barre à roue et on s'est laissé dériver", explique Mario Allaire. La nuit a été longue, mouvementée mais ironiquement confortable pour lui. "Malgré les vents forts, ça dort assez bien. C'est le lendemain matin que ça a été moins drôle", remarque-t-il. Vers 8 heures, un terrible bruit s'est fait entendre. Le vent venait de faire une rotation de 180 degrés à l'embarcation, qui est tout de même restée à flot. "Suzanne était couchée sur la banquette à bâbord et dans le temps de le dire, elle a été projetée à tribord. Elle est passée par-dessus la table. C'est probablement là qu'elle s'est fracturée trois côtes", raconte M. Allaire. Il n'y avait plus d'électricité à bord. Le moteur ne pouvait plus être démarré. Les passagers ont récupéré une batterie pour au moins assurer le fonctionnement d'une pompe qui devait sortir l'eau de la cale toutes les vingt minutes. Une fissure quelque part laissait l'eau s'infiltrer à bord.
Vers 10 heures, c'était au tour de Mario Allaire de prendre la barre. "Ça faisait cinq minutes que j'étais sorti. J'étais à tribord et j'ai regardé derrière moi. Tout ce que j'ai vu, c'est un immense mur d'eau.Puis, plus rien !" L'imposante vague de fond venait de faire une sorte de croc-en-jambe à la quille du voilier."Quand j'ai ouvert les yeux, j'avais le bateau par-dessus moi. Je voyais passer des débris sortant du fond du bateau. Je réalisais que c'était le pont qui s'était délaminé", raconte-t-il encore ému. "L'eau était d'un bleu-vert tellement beau", trouve-t-il le moyen d'ajouter. Le bateau est finalement revenu à l'endroit. C'était le désordre le plus total à l'intérieur, où se trouvaient les trois autres passagers. Il n'y avait alors plus d'autre chose à faire que de prendre l'embarcation de type Zodiac qui se trouvait sur le pont du voilier. Les quatre naufragés ont décidé d'abandonner le voilier. "Ça faisait même pas cinq minutes qu'on était monté à bord du Zodiac qu'il y avait trois pieds d'eau dans la cale du voilier. Cinq minutes après, l'eau avait passé par-dessus le pont. En dix minutes, le bateau a coulé. On n'a pas pu rien prendre", relate Mario Allaire. Pas même le sac de survie étanche qu'ils avaient minutieusement préparé la veille et dans lequel ils avaient mis leurs papiers, des fusées de détresse, de l'eau et un peu de nourriture. "On s'est laissé dériver. C'était impossible de savoir dans quelle direction on allait."
C'est la balise de détresse qui leur aura finalement sauvé la vie. Un signal a aussitôt été envoyé par satellite à la garde côtière américaine, qui a alors mis en branle des mesures de repérage et de sauvetage. Pendant ce temps, des vagues de 15 mètres frappaient le Zodiac et laissaient quelques pouces d'eau dans le fond de celui-ci, ce qui a au moins créé un lest qui maintenait l'embarcation à flot. Des vents de plus de 100 km/h soufflaient en même temps. Peu après 17 heures, les rescapés ont vu passer un avion C-130 de la Garde côtière américaine. Quelques minutes plus tard, l'avion est repassé et laissait tomber des fusées éclairantes pour positionner le Zodiac à la dérive.
C'est finalement un cargo de la compagnie Egon Oldendorff, le M/V Yeoman Brook, qui s'est approché du Zodiac. Le navire chargé de charbon faisait le trajet entre la Bolivie et Halifax. Mario Allaire se souvient de l'avoir aperçu, au loin, avant que l'avion se montre le nez.
Non sans difficulté, les passagers ont réussi à monter à bord du Yeoman Brook. En vingt minutes, peu avant 20 heures, les quatre naufragés étaient sains et saufs. "Une fois rendu sur le pont, j'étais incapable de marcher. Je ne sais pas pourquoi, mais quatre personnes m'aidaient. Ils nous ont amenés à l'infirmerie, asséchés, donné du thé chaud et sucré. J'en ai bu cinq tasses. C'était tellement bon", se souvient Mario Allaire.
Le bateau les a finalement ramenés jusqu'à Halifax. À bord, les membres de l'équipage avec en tête le capitaine Alatoliy Gudz, étaient semble-t-il très heureux de ce qu'ils venaient d'accomplir. Des liens d'amitié se sont rapidement tissés.
Le Yeoman Brook est finalement arrivé en Nouvelle-Écosse lundi matin, à 9 heures, soit une journée et demie plus tard que prévu, en raison, on s'en doute, de la mer agitée. Une fois à Halifax, les quatre passagers se sont rendus à l'hôpital, où les attendaient des membres de leurs familles. Mario Allaire est finalement rentré à Montréal mardi en fin d'après-midi, puis à Shawinigan en soirée.
L'homme a beau ne pas avoir une seule égratignure, mais cette aventure
l'a profondément marqué. Autrement, disons ...
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Courtoisie de:
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